Fragment
Sur la ligne invisible
Où le corps traverse sans comprendre
Seul le chemin me guide
La route ancestrale
De la langue à retrouver
Mes lettres une à une
Comme des hirondelles
Le jour du grand bal
Noir sur blanc
Notes effarouchées
Sur la portée des clans
Regroupés à l'instinct
J'écoute ma langue de père
Chuintement opaque
Sur la route
Où je tourne la roue
Qui toujours me ramène au même
Le grand rassemblement des oiseaux
Tu passes
Ils se diffractent
Et ton silence les rassemble
Pour entendre le murmure
D'une parole migrante
Pour apprendre à composer
De ce qui vient
Note après note
Les hirondelles se rassemblent
Balade sur le fil griffonné
D'un nouvel été passé
Elles vont à l'opposé
De là où j'irais
Si j'étais sauvage
Elles vont au chaud
J'irais là où ignorante
Je croirais à tout
Sauf à la vérité
Le bleu de mes yeux
Aurait un sens
Goûter la saveur inconnue
Des notes arrachées
Comme un cri
J'irais là me rouler
Dans le regard de ceux
Qui sur les cordes frottaient l'archet
Qui entre les lèvres
Faisaient vibrer l'harmonica
Qui priaient peut-être le soir
Et espéraient du lendemain
Se perd dans le noir des montagnes
Là où ma bouche
Malhabile se tairait
Pour comprendre
Là où, étrangère,
Je me sentirais chez moi
Dans la polyphonie
Virevoltante des envols
Au mouvement perpétuel
Une à une
Sur l'immensité des fils
Voués à disparaître
Faire l'écho d'une parole
Qui s'invente au gré du signe
Dérobé à la nécessité
D'une légende sublime
Elixir d'un récit suspect
Dont les hirondelles
Se rient sous mon nez
Comprendre que ma vie
Pour eux n'a pas de sens
Mais aspirée par la nuée
Noire et blanche
M'envoler quand même
Nourrie de toutes leurs vieilles chimères
Nourrie des champs échevelés
De mon père
Sur sa cithare bien réelle
À d'autres se mêlera
Pour la grande traversée
Là où la grande traversée
Sera mémoire
Qui s'en revient
Et s'en départ
Au gré des vents
J'irais là
Juste un fragment
©Poème, musique (composition et)piano, voix, Marjorie Tixier
©Photographie, Muriel
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