samedi 5 octobre 2019

Poème migratoire

Poème migratoire dans le sillage des hirondelles, à lire et/ ou à écouter...

Fragment

 
Sur la ligne invisible
Où le corps traverse sans comprendre
Seul le chemin me guide
La route ancestrale
De la langue à retrouver
 

Mes lettres une à une
Comme des hirondelles
Le jour du grand bal
Noir sur blanc
Notes effarouchées
Sur la portée des clans
Regroupés à l'instinct
 
J'écris ma langue de mère
J'écoute ma langue de père
Chuintement opaque
Sur la route
Où je tourne la roue
Qui toujours me ramène au même
 
Regarde sur le fil
Le grand rassemblement des oiseaux
Tu passes
Ils se diffractent
Et ton silence les rassemble
 
Il faut beaucoup de vide
Pour entendre le murmure
D'une parole migrante
 
Il faut des heures infinies de vide
Pour apprendre à composer
De ce qui vient
 

Note après note
Les hirondelles se rassemblent
Balade sur le fil griffonné
D'un nouvel été passé
Elles vont à l'opposé
De là où j'irais
Si j'étais sauvage
 

Elles vont au chaud
J'irais là où ignorante
Je croirais à tout
Sauf à la vérité
 
J'irais là où
Le bleu de mes yeux
Aurait un sens
 
J'irais là
Goûter la saveur inconnue
Des notes arrachées
Comme un cri
 
J'irais là me rouler
Dans le regard de ceux
Qui sur les cordes frottaient l'archet
Qui entre les lèvres
Faisaient vibrer l'harmonica
Qui priaient peut-être le soir
Et espéraient du lendemain
 
J'irais là où le ciel
Se perd dans le noir des montagnes
Là où ma bouche
Malhabile se tairait
Pour comprendre
 
Là où, étrangère,
Je me sentirais chez moi
Dans la polyphonie
Virevoltante des envols
Au mouvement perpétuel
 
J'irais danser comme les hirondelles
Une à une
Sur l'immensité des fils
Voués à disparaître
 
J'irais au gré de ce morceau trop long
Faire l'écho d'une parole
Qui s'invente au gré du signe
Dérobé à la nécessité
 
J'irais gratter le passé fragmenté
D'une légende sublime
Elixir d'un récit suspect
Dont les hirondelles
Se rient sous mon nez
 
J'irais ignorer l'ignorance
Comprendre que ma vie
Pour eux n'a pas de sens
 

Mais aspirée par la nuée
Noire et blanche
M'envoler quand même
Nourrie de toutes leurs vieilles chimères
Nourrie des champs échevelés
De mon père
Sur sa cithare bien réelle
 
J'irais là où ma voix
À d'autres se mêlera
Pour la grande traversée
 

Là où la grande traversée
Sera mémoire
Qui s'en revient
Et s'en départ
Au gré des vents
 


J'irais là
 
Comme un fragment
Juste un fragment
 
©Poème, musique (composition et)piano, voix, Marjorie Tixier
©Photographie, Muriel

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