vendredi 13 octobre 2017

"Un Matin ordinaire" au fil des jours...




Pour tirer le rideau, j’y vais mollo. Je fronce à peine le tissu, mais assez pour bien la voir. Je fais jamais ça pour Edmond, il m’intéresse que pour me dépanner quand j’ai une petite fuite ou un petit désagrément. Il est bonne pâte. Je lui donne une bouteille de bière ou de pastis, ça lui va toujours. Il me remercie et me dit : À la prochaine.

Les filles sont bien jolies, mais je cherche pas à les voir non plus. Elles font un bruit ! Surtout quand elles jouent à la balançoire, ça chante à tue-tête, en particulier la cadette qui vocifère des trucs sans queue ni tête. Le pire, c’est l’été, dans la piscine. Les filles y passent leurs après-midi en petite tenue, l’aînée (pas celle qui crie) porte un maillot de bain fuchsia sur lequel est écrit en grandes lettres jaunes « Super nana » (elle croise les bras sur son ventre quand quelqu’un s’approche, elle doit avoir honte, la pauvre). L’eau gicle partout, ça hurle, ça crie, ça rit et ça patauge comme des bécasses, le poste à fond avec cette même chanson en boucle qui a aucun sens, sans doute d’un nouveau groupe de sauvages. Moi, connais pas.

Bref, les filles, Julie et Annie, sont la plaie de mes vieilles oreilles. Dans le silence de l’hiver, quand la neige tombe, elles arrivent encore à piailler en faisant un bonhomme de neige.

La voisine est calme, elle crie pas, sa voix de rossignol appelle. Si j’allais à l’hôpital, j’aimerais qu’elle soit mon infirmière. Je sentirais ses seins se pencher sur moi quand elle réglerait ma perfusion, ses jolis seins ronds, comme les miens. Elle porterait sa blouse blanche, pas un tablier, non, une blouse, toute propre chaque matin qui sentirait la lavande.



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© Marjorie Tixier, Un Matin ordinaire, chapitre 2, Thérèse

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