Ma
femme, aurait bien aimé être musicienne, mais elle n’a pas eu le courage de s’y
mettre. Elle disait toujours : C’est trop tard, je suis trop vieille, je
n’y arriverai pas, c’est pas pour des gens comme moi… Elle se trouvait des
excuses, de bonnes excuses pour ne rien faire et se dessécher petit à petit. Ma
fille est tout son contraire, encore aujourd’hui et même après des années de
refus, elle continue de demander à son mari de l’emmener à l’étranger.
D’ailleurs,
elle va bientôt arriver. Je remets en ordre mes cheveux blancs. Je l’attends
avec impatience, les yeux rivés sur ma montre qui reste indéfectiblement à mon
poignet, même si elle gêne les infirmières. Laurence sera à l’heure. Onze
heures précises, dans un quart d’heure, elle sera là toute belle, toute ma
fille infirmière qui ne me soigne pas, pas de cette façon-là.
Je
l’attends. Je suis sûr qu’elle serait contente que je tombe amoureux à mon âge,
si l’on peut dire ! Parfois elle évoque encore Christiane qui était si
gentille qu’on avait fini par l’inviter aux anniversaires des filles. Ce
souvenir me réjouit et me détend pour laisser place à une douce somnolence.
Je
revois ma fille toute petite, toute mignonne avec ses cheveux au carré, sa
blouse d’infirmière, ses gants en plastique et son baigneur dans les bras. Avec
elle, j’ai appris à aimer, pas juste pour moi, mais pour qu’elle soit heureuse
et ne manque de rien.
J’ai surtout appris à ne plus me sentir coupable.
Pour lire la suite, c'est ici!
© Marjorie Tixier, Un Matin ordinaire, chapitre 3, Charles
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire