Dans
mon sac j’ai des faux billets, des faux chèques, mais des vrais stylos, un vrai
miroir et un vrai couteau en plastique. Les vrais stylos servent à remplir les
faux chèques, pour payer les cigarettes. Le vrai miroir, c’est pour être sûre
que j’aie bien mis le rouge à lèvres. Le vrai couteau, c’est pour le grand
méchant loup. Julie en a peur, elle dit qu’il faut se cacher dans la garde-robe
pour qu’il ne nous voie pas. N’importe quoi !
Il
n’y a pas de loup ici, seulement des renards et ils ont peur de nous. Alors le
couteau (en plastique) c’est pour couper l’oseille que je ne mange plus parce
que moi aussi je commence à avoir mal à l’estomac.
Quand
on joue avec Julie, c’est jamais drôle. Elle a toujours un pet de travers. À la
piscine, c’est à cause de son maillot de bain parce qu’elle a honte de ce qui
est écrit dessus.
Moi,
je lui dis :
— C’est pas grave,
tu croises les bras sur ton ventre et tu cours jusqu’au grand bassin (c’est
interdit mais on dira qu’on savait pas), tu plonges et on en parle plus.
Julie
ne répond pas, pour elle j’ai bien compris que c’est mission impossible.
Je
n’ai peur de rien, moi. Je fonce. Dans l’eau, plus je fais de bruit, plus je
m’amuse. J’adore jouer au petit chien avec papa, rigoler, crier, me trouver de
nouveaux copains, faire des bombes et éclabousser tout le monde. Je me dépense.
Je me dépense tellement que j’ai toujours une faim de loup à la sortie de la
piscine. J’engloutis tous les Mentos que papa achète au distrib’, je dévore
l’intégralité du repas que maman a préparé, mais c’est jamais assez alors je
lèche mon assiette, le plat et avale tout ce qui traîne dans le plus grand
secret. Je suis tellement gourmande que maman me rationne parce que je passe ma
journée à lui demander : Quand est-ce qu’on mange ?
J’ai
juste un peu de ventre, un rien, pas grand-chose, mais maman ne veut pas que je
prenne de mauvaises habitudes. C’est pour ça qu’elle me répète à tous les
repas, y compris au goûter:
—Annie, ma
chérie, ça suffit, tu as assez mangé.
Moi, je ne trouve pas. J’en veux toujours plus.
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© Marjorie Tixier, Un Matin ordinaire, chapitre 4, Annie
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